Les Raisins de la Colère
C'est dans une petite ruelle, entre la rue de Verdun et la rue des Jardins Potagers, que nous avons rendez-vous. Ce lieu est méconnu de la plupart des harenois, mais il est vrai qu'il y a peu, c'était encore une impasse. Nous arrivons devant deux charmantes fermettes qui donneront bientôt son nom à cette rue: la rue des Fermes à Chicon. Devant l'une d'elle, une vigne nous offre généreusement ses grappes juteuses.
Ces maisons semblent en excellent état, et pourtant Nadia, une voisine nous apprend que depuis que son ancienne propriétaire les a vendues au Fond du Logement de la région bruxelloise, celles-ci sont inocupées. Enfin pas tout à fait, car depuis quelques semaines, des squatters les occupent.
Ce sont eux que nous sommes venus rencontrer. Et dès l'entrée, c'est la surprise: nous sommes loin de notre idée préconçue d'un squat avec son désordre et ses dégradations. Les occupants semblent ici très respectueux des lieux, et cherchent même à les améliorer. Faute d'eau courante, ils ont aménagé des "toilettes sèches" (dont ils récupèrent le compost pour leur potager), une citerne récupère l'eau de pluie, un four à pain est en cours de construction...
Ils ont baptisé ce lieu "le Jardin des Hérissons" en hommage à ce mammifère, encore très présent à Haren et pour lesquels ils ont aménagés plusieurs abris.
Nadia nous apprend que le Fond du Logement a tout fait pour rendre ces maisons inhabitables, ainsi, ils ont fait enlever les compteurs de gaz, d'eau et d'électricité.
En fait, même si le rôle de cette institution est de mettre à disposition des logements, dans ce cas-ci, sous les instructions de sa tutelle (le secrétaire d'Etat Christos Doulkeridis), elle semble se comporter comme un vulgaire spéculateur qui laisse se dégrader un bien pour y bâtir ensuite un ensemble plus imposant et rémunérateur.
Un projet de 78 logements (encore disproportionné pour Haren) existerait, mais pour cela, d'autres propriétés devraient être acquises, ce qui est loin d'être fait, et aucune demande de permis n'a encore été introduite. Il se passera encore quelques années avant que d'éventuels travaux ne débutent.
C'est pourquoi les Hérissons (nos squatters), ont tenté de négocier une autorisation d'occupation à titre précaire. Mais loin d'avoir obtenu satisfaction, c'est au contraire un avis d'expulsion qui leur est parvenu ce lundi. La bataille juridique n'est pas terminée, mais la disproportion des moyens entre les parties nous fait penser au combat entre le pot de fer et le pot de terre...
Si monsieur Doulkeridis a quelque contrôle sur le Fond du Logement, son attitude est très éloignée des valeurs pour lesquelles il a été élu. Serait-ce l'exercice du pouvoir qui l'a changé à tel point qu'il préfère à présent se pavaner devant les objectifs lors de l'inauguration de cages à lapins et d'aligner ainsi des chiffres plutôt que d'entretenir et de maintenir ce qui existe (mais c'est moins médiatique).
Le mot de la fin, je le réserve à Nadia, la voisine: "Ils sont parfaitement intégrés dans le quartier, s'ils sont expulsés, fatalement d'autres viendront, mais les nouveaux venus ne seront pas nécessairement une aussi bonne chose pour le voisinage."