Contrairement ce que prétend le dicton, le crime va payer... mais pas nécessairement ceux auxquels on pense.
En fait, pour la construction de la prison de Haren, les autorités ont choisi un mode de financement appelé DBFM (pour "Design, Build, Finance and Maintain).
Concrètement, l'Etat confie la conception et la construction de la prison à un consortium privé qui en assurera également la maintenance mais aussi certains services tels que la restauration et la blanchisserie... En contrepartie, l'Etat versera au consortium une rente annuelle pendant 25 ans aux termes desquels, il récupérera la pleine propriété des bâtiments.
On peut déjà s'étonner de l'abandon par l'Etat d'une partie de ce qui était une compétence régalienne à un consortium privé dont le centre de gravité se trouve hors de nos frontières!
Si on considère le coût de construction estimé, 331 millions d'euros (mais on sait que dans la construction, coûts et délais sont rarement respectés), cela fera de cette prison un des complexes de logements les plus chers de la région (300000€ par personne hébergée en chambre double ou triple...)
Mais combien cela coûtera?
Si on prend juste l'aspect construction, sur une base de 300 millions (pour simplifier les calculs) le remboursement du capital de départ coûtera 12 millions d'euros par ans. Oui mais, les investisseurs privés attendent un rendement annuel sur le capital investi à deux chiffres après impôts. Sur une base minimaliste de 12% cela fait une somme annuelle de 36 millions d'euros qui viendraient s'ajouter au 12 millions cités précédemment soit une rente annuelle de 48 millions d'euros. Au bout des 25 ans, l'Etat aura donc déboursé 1200 millions d'euros soit 4 fois de coût initial! Et cela ne tient pas compte de l'indexation ni des tâches de maintenance et des services.
Si l'Etat avait emprunté 300 millions à 8% (taux très élevé), en payant 48 millions par ans, il aurait remboursé capital et intérêts au bout de 8 ans et la charge d'intérêt n'excèderait pas 60 millions soit un total de 360 millions d'euros.
1200 millions - 360 millions = 840 millions d'euros que l'Etat (donc les contribuables) paiera en plus!
Et pourtant on sait que le département de la justice manque d'argent pour payer des services essentiels en prison pour assurer la réinsertion des détenus et éviter la récidive tels que psychologues assistants sociaux ou encore pour assurer des soins de santé corrects, sans oublier l'aide juridique (pro deo) qui manque d'argent.
Mais alors pourquoi avoir choisi ce mode de financement qui semble si défavorable?
En fait, si la Belgique veut rester un bon élève de la classe pour l'Europe, elle doit éviter de s'endetter davantage. Et si les services tels que maintenance, restauration et blanchisserie sont inclus dans ce contrat, c'est pour éviter qu'il soit considéré comme un endettement "caché".
Enfin, il est peu probable qu'on connaisse un jour le montant exact de la rente que versera l'Etat; ce type de contrat comporte toujours des clauses de confidentialité surtout pour les questions financières. Mais lorsqu'il s'agit d'argent public, ce type de disposition est anormale!
"La gestion en bon père de famille" ne fait décidément pas partie des bonnes pratiques de nos dirigeants!